A. Trois fragments du management post-moderne en guise de
contexte
1. Des charges aux chartes
Les entreprises restent le lieu prioritaire d’exercice des rapports de force. Et malgré le discours libératoire tenu par les managers à l'égard des collaborateurs -dont celui de l'empowerment1-,
les travailleurs n’ont jamais été autant enserrés dans les mailles de l’entreprise2. En effet le management post-moderne des Ressources humaines3 ne vise plus à fonctionnariser les individus en précisant le cadre de leur activité (symbolisé par le cahier des charges), mais bien à
faire adhérer les travailleurs à des valeurs (inscrites dans les chartes d'entreprise), à des logiques d'organisation, à des projets collectifs ou encore à des idéologies telles la performance,
l'excellence, la qualité totale, le client-roi ou encore l'intraprenariat auxquelles ils sont censés s'identifier4. Dans ce contexte, les chefs du personnel ont laissé leur place aux drh, les directeurs aux managers et, in fine, les clients aux actionnaires.
2. Du corps aux idées
La post-modernité managériale vise donc à séduire les collaborateurs dans le registre des croyances -qui renvoie à l'univers mental et à l'intériorité de l'individu-- alors que les entreprises tayloriennes, elles, tentaient de dominer les corps, les déplacements inutiles dans les usines
contrôlant horaires et respect des ordres, bienfacture et discipline. Comme le relève justement Dassa et Maillard « mobiliser les ressources humaines (aujourd'hui) signifie qu'on ne se contente pas ou plus, de la part du personnel, d'une obéissance passive, obséquieuse ou servile, on veut une adhésion, une fidélité et un engagement spontané dans les orientations, les valeurs et les actions de l'entreprise.» 5
3. Du management taylorien au management "anti-téflon"
Ce management "anti-téflon" (servi par des analyses psychométriques visant à vérifier si le
collaborateur colle au profil-poste, adhère aux valeurs de l'entreprise, s'attache à ses clients
tout en étant soudé avec le "team") nécessite une stratégie spécifique de gestion des RH qui n'hésite pas à mobiliser à la fois le psychisme et le corps des collaborateurs6. C'est ainsi que des workshops de méditation, de bien-être intérieur, de libération d'énergie, de management de soi-même7, de PNL (programmation neuro-linguistique), d'AT (analyse transactionnelle), de psychologie de la réussite, de LIFO (life organization) mais également des stages de sport extrême (raft8 ou saut à l'élastique) et autre raid de survie cohabitent dans les catalogues de formation des entreprises post-modernes. L'empowerment mobilise donc le muscle et la tête - l'imaginaire- des collaborateurs: le prix à payer, pour ces derniers, revient à l'acceptance de la performance comme critère total d'évaluation.
D'aprés : STEPHANE HAEFLIGER