Les relations entre le Maroc et l’Espagne relèvent d’un exercice de corde raide assez complexe qui évolue de manière imprévisible. Celui-ci se double constamment d’une dimension politique qui voile la relation équivoque du rejet/attrait entre les deux pays. Cette ambivalence continue de se manifester jusqu’à présent, de façon cyclique. Et l’on ne peut l’examiner sans intégrer l’épaisseur historique qui caractérise l’inconscient collectif des deux nations. Dans ces conditions il ne faut guère s’étonner : le Maroc peut réserver un accueil chaleureux au prince Felipe de Bourbon et quelques jours plus tard rappeler son ambassadeur à Madrid pour consultations. Le voisin espagnol peut réserver des débordements analogues. Dans l’affaire de l’îlot Leila, l’Espagne peut déployer son «invincible armada» et enlever des garde-côtes marocains, et au même moment s’assurer que l’opération transit MRE se déroule normalement via les ports espagnols!
Pour Sebta et Mellilia, il convient de s’interroger sur le principe d’une telle impulsion où le symbolisme importe au moins autant que la raison. Ce nouveau rapport de forces entre Rabat et Madrid pourrait être en définitive le point central d’une crise où chacun des acteurs cherche à tirer profit d’une question qui dépasse largement les explications nationalistes! Certes, il faut savoir raison garder: il y a tellement d’intérêts communs que la rupture diplomatique reste à exclure. Les attaches économiques demeurent sans aucun doute la fraction la mieux insérée et la plus fiable de ces relations passionnelles.
L’Espagne s’efforce néanmoins de conserver une influence majeure dans une région du monde où ses intérêts économiques sont croissants. Mais sur le terrain, le pragmatisme aura été français ces dernières semaines. En témoignent les 3 milliards d’euros de trésor de guerre ramenés par Sarkozy à l’issue de son étape marocaine. En provoquant la crise, Madrid tenterait-elle d’obtenir des concessions ?